vendredi 23 février 2018

L'Arche des KERGUELEN de Jean-Paul KAUFFMANN

LIVRE

Tout petit,Kauffmann a rêvé des îles de Kerguelen et ce voyage actualise le rêve 40 ans plus tard.En 1993,il entreprend de rejoindre l'archipel depuis la Réunion. Les Kerguelen si bien nommés les îles de la Désolation!!!
Pourquoi ce récit de voyage est-il si passionnant? parce qu'on sent vivre une personne au travers de ses découvertes,ses attentes,ses déboires et surtout de ses réflexions.
(J'en partagerai une sur le temps à Kerguelen,p130.)
Il y a toujours un ton nostalgique,mélancolique dans les récits de Kauffmann.Celui-ci n'échappe pas à la règle.Mélancolie douce,poétique.
L'écrivain s'intéresse bien sûr au PASSÉ,à la vie de ce héros malheureux,le chevalier de Kerguelen qui découvrit les îles en 1772 sous Louis XV et fut accusé de diverses fautes graves,dont celle d'avoir emmené avec son équipage une certaine Louison,p163.
Un échec comparé à l'insolente réussite du célèbre Cook.(voir l'extrait)
Mais il est aussi un témoin du PRÉSENT.Seules quelques équipes de scientifiques ou militaires font des stages plus ou moins longs .Seuls quelques animaux  sont les résidents permanents de l'île:des pingouins,des baleines,des lapins,un renne aussi...
Il partage le quotidien de ces scientifiques et circule dans différents points de cet archipel.Avec eux,il s'enfonce dans la mouise,attend un improbable chaland retardé par les conditions météorologiques,cherche à tâtons à la nuit tombée le refuge...
Immergé dans cette nature désolée,il mesure son rapport au temps,il ressent l'entente harmonieuse du silence et du vent.Le vent continuel,vrai héros de ces terres hostiles et maître absolu:
"Le vent gouverne l'archipel....Face au vent,on ne domine rien.On peut subjuguer le désert brûlant,les étendues glacées ou les climats humides.Pas le vent."p90.

Les romans de Kauffmann font souvent référence à un ou plusieurs auteurs.
Dans "La maison du retour",par exemple,il découvre un exemplaire des Géorgiques de Virgile ou dans "Outre-Terre",c'est le colonel Chabert qui l'inspire.Cette fois,des extraits de la Bible,de la Genèse,de l'Écclésiaste étayent son propos.

Voici l'extrait sur COOK:
"Il y a, dans le passage de Cook aux îles de la Désolation par un beau temps insolent, une grâce que soulignent la malchance et l'échec de Kerguelen. Alors que le Français louvoie péniblement autour de l'archipel avec ses deux lourds bateaux, l'Anglais effleure la côte et fait négligemment un ou deux tours à terre. Au premier coup d’œil il a tout compris et apprécié mais, déjà, il oublie ces îles et file droit sur la Nouvelle-Zélande. 
Son audace et sa détermination sont inscrites dans le nom même de ses deux bateaux : le « Discovery » et la « Resolution »,p106.

Et voici une réflexion si profonde sur le rapport au TEMPS à Kerguelen:
"Le TEMPS est un espace que le ciel et le vent laissent ouvert.Nul besoin de combler ce vide.L'attente ne s'épuise pas en efforts inutiles,en signes dérisoires...
Dans le désoeuvrement kerguélénien,il entre une indolence qui est le contraire de l'apathie, une sorte d'insouciance ardente,tendue vers rien.
L'esprit ne dépend ni des faits,ni des instants,il n'est captif ni du passé ni de l'avenir.
L'ordre des jours est aboli...On ne "tue" pas le temps aux Kerguelen,on ne le "trompe" pas.Ce n'est pas un tyran,mais un aimable compagnon,discret et arrangeant qui n'aime pas trop qu'on s'occupe de lui.",p130.  


                                                
 




 

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