vendredi 23 février 2018

THE SHAPE OF WATER de Guillermo del Toro

FILM

Le film qui s'apprête à rafler la mise aux Oscars,le 4 Mars prochain,ne m'a pas emballée.
D'accord,il y a une vraie histoire,une indéniable beauté formelle,une grande maîtrise de la photographie,de très bons acteurs,de vrais décors rétro...mais cela suffit-il à captiver le spectateur?
Difficile de croire à cet amour naissant entre une créature aquatique et une jeune femme,genre Amélie Poulain... ou aux enjeux stratégiques qui entourent le prisonnier...
Les espions russes sont si caricaturaux,l'évasion de la créature si peu crédible,sans parler de la fin à l'eau de rose!!!
L'ambiance poétique,féerique du film ne suffit pas à racheter ses insuffisances, principalement l'absence de surprises scénaristiques.
Ne sachant s'il regarde un film d'espionnage,un conte de fées ou une comédie romantique,le spectateur en sort frustré et dubitatif.



Quand même,un mot des acteurs/actrices;le duo de femmes de ménage fonctionne parfaitement et apporte à cette histoire sa note de réel.Voici la photo:
             

Et le jeu de l'acteur,Michael Shannon,qui incarne le méchant est très réussi.

                                     

L'Arche des KERGUELEN de Jean-Paul KAUFFMANN

LIVRE

Tout petit,Kauffmann a rêvé des îles de Kerguelen et ce voyage actualise le rêve 40 ans plus tard.En 1993,il entreprend de rejoindre l'archipel depuis la Réunion. Les Kerguelen si bien nommés les îles de la Désolation!!!
Pourquoi ce récit de voyage est-il si passionnant? parce qu'on sent vivre une personne au travers de ses découvertes,ses attentes,ses déboires et surtout de ses réflexions.
(J'en partagerai une sur le temps à Kerguelen,p130.)
Il y a toujours un ton nostalgique,mélancolique dans les récits de Kauffmann.Celui-ci n'échappe pas à la règle.Mélancolie douce,poétique.
L'écrivain s'intéresse bien sûr au PASSÉ,à la vie de ce héros malheureux,le chevalier de Kerguelen qui découvrit les îles en 1772 sous Louis XV et fut accusé de diverses fautes graves,dont celle d'avoir emmené avec son équipage une certaine Louison,p163.
Un échec comparé à l'insolente réussite du célèbre Cook.(voir l'extrait)
Mais il est aussi un témoin du PRÉSENT.Seules quelques équipes de scientifiques ou militaires font des stages plus ou moins longs .Seuls quelques animaux  sont les résidents permanents de l'île:des pingouins,des baleines,des lapins,un renne aussi...
Il partage le quotidien de ces scientifiques et circule dans différents points de cet archipel.Avec eux,il s'enfonce dans la mouise,attend un improbable chaland retardé par les conditions météorologiques,cherche à tâtons à la nuit tombée le refuge...
Immergé dans cette nature désolée,il mesure son rapport au temps,il ressent l'entente harmonieuse du silence et du vent.Le vent continuel,vrai héros de ces terres hostiles et maître absolu:
"Le vent gouverne l'archipel....Face au vent,on ne domine rien.On peut subjuguer le désert brûlant,les étendues glacées ou les climats humides.Pas le vent."p90.

Les romans de Kauffmann font souvent référence à un ou plusieurs auteurs.
Dans "La maison du retour",par exemple,il découvre un exemplaire des Géorgiques de Virgile ou dans "Outre-Terre",c'est le colonel Chabert qui l'inspire.Cette fois,des extraits de la Bible,de la Genèse,de l'Écclésiaste étayent son propos.

Voici l'extrait sur COOK:
"Il y a, dans le passage de Cook aux îles de la Désolation par un beau temps insolent, une grâce que soulignent la malchance et l'échec de Kerguelen. Alors que le Français louvoie péniblement autour de l'archipel avec ses deux lourds bateaux, l'Anglais effleure la côte et fait négligemment un ou deux tours à terre. Au premier coup d’œil il a tout compris et apprécié mais, déjà, il oublie ces îles et file droit sur la Nouvelle-Zélande. 
Son audace et sa détermination sont inscrites dans le nom même de ses deux bateaux : le « Discovery » et la « Resolution »,p106.

Et voici une réflexion si profonde sur le rapport au TEMPS à Kerguelen:
"Le TEMPS est un espace que le ciel et le vent laissent ouvert.Nul besoin de combler ce vide.L'attente ne s'épuise pas en efforts inutiles,en signes dérisoires...
Dans le désoeuvrement kerguélénien,il entre une indolence qui est le contraire de l'apathie, une sorte d'insouciance ardente,tendue vers rien.
L'esprit ne dépend ni des faits,ni des instants,il n'est captif ni du passé ni de l'avenir.
L'ordre des jours est aboli...On ne "tue" pas le temps aux Kerguelen,on ne le "trompe" pas.Ce n'est pas un tyran,mais un aimable compagnon,discret et arrangeant qui n'aime pas trop qu'on s'occupe de lui.",p130.  


                                                
 




 

samedi 17 février 2018

LE SENS DE LA FÊTE de Eric Toledano et Olivier Nakache

FILM
  
Je n'avais plus autant ri depuis longtemps 😊😊😊...
Cette "fête" roule comme du papier à musique.


Tout est soigné : rythme soutenu,soin des détails dans le décor,finesse des dialogues, prestation impeccable de TOUS les acteurs/actrices...aucun rôle n'est vraiment secondaire,chacun participe élégamment à la réussite générale sous le parrainage du patron,un grand...,un tout grand JEAN-PIERRE BACRI.
Vraiment réjouissant,ce film




                                                          
                        
                                     Le photographe (Jean-Pierre Rouve) qui ne supporte pas que 
                                     les autres prennent des photos avec leurs Smartphones!!!

jeudi 15 février 2018

LA SERPE de Philippe JAENADA

LIVRE
Une enquête policière tout à fait passionnante***

L'écrivain,titillé par une affaire qui a défrayé la chronique dans les années 1941-43,se rend sur les terres du Périgord là où le château d'Escoire fut le théâtre d'un triple meurtre.
Le fils,Henri Girard,soupçonné par beaucoup d'avoir assassiné son père,sa tante et la bonne est innocenté après des mois de détention.Défendu par un célèbre avocat de l'époque,il est acquitté.
Bon,voilà pour les faits.Et notre écrivain-enquêteur de visiter les lieux :le château,le cimetière,le café du coin où le fils est passé avant la funeste soirée,d'interroger les enfants de certains témoins de l'époque...et surtout de consulter les archives relatives au procès et les journaux de l'époque à Périgueux.
Jaenada, persuadé de l'innocence du principal suspect,Henri Girard,l'héritier,nous partage pendant plus de 600 pages, ses recherches,ses questions,ses recoupements...
Il relève les incohérences, les manquements du tout début de l'enquête:on n'a pas suffisamment interrogé les voisins,on a hâtivement conclu à l'impossibilité d'un meurtrier venu de l'extérieur,on a peu investigué sur d'autres pistes..Pour lui,les preuves,l'arme du crime,une serpe ensanglantée..etc sont des éléments beaucoup trop flagrants pour démontrer une quelconque culpabilité.Le mobile aussi semble fragile:l'argent.Le fils aurait assassiné son père pour hériter !!!
Tout se passe comme si tenant le coupable dès le début,on s'était épargné une enquête à « décharge ».Bien sûr que Jaenada va réparer ces lacunes.Il évoque des lettres fraternelles entre le père et le fils,il s'intéresse à un voisin qui,le soir du crime,est passé devant le château...
Ne serait-il pas LE coupable?Un coupable totalement délaissé par l'enquête,malgré les demandes répétées de l’accusé de l'époque,Henri Girard,alias George Arnaud auteur du célèbre roman »LE SALAIRE DE LA PEUR »
Bref,il cherche,il fouille,il refait les mêmes gestes (comme jeter un porte-feuille de la fenêtre du château),il recoupe,s'interroge,il raisonne,il déduit...tout cela pour notre plus grand plaisir de lecteur.
Ça se lit comme un polar,..un polar bourré d'humour,de drôlerie,d'auto-dérision.

                                                    
                                              Le château d'Escoire.