vendredi 17 novembre 2017

Tiens ferme ta couronne de Yannick HAENEL

LIVRE...COUP DE COEUR***

Embarqué sur une phrase extraite de Moby Dick du grand écrivain américain Herman Melville,l'écrivain se lance dans une fantastique aventure romanesque et y entraîne le lecteur ébahi.
Cette phrase,c'est:"l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête du cachalot".
Une aventure qui commence par un voyage à New York où la rencontre avec le cinéaste Michael Cimino sera déterminante.L'écrivain,cinéphile passionné connaît tous ses films,il les a vus et revus,il les connaît de l'intérieur et en a approché la vérité,le sens sacré.

On revient ensuite à Paris où on suit les péripéties du narrateur,ses rencontres,sa vie diurne ...et nocturne,ses excès en tous genres,mais aussi... ses interrogations,ses rêveries,sa quête personnelle à savoir la recherche de moments de grâce que recèle tout film,de moments où l'impossible se produit,où un geste prévisible se dérobe,geste du chasseur qui n'abat pas sa proie...moments de défaite,d'échec apparent aussi dont le film Fitzcarraldo est le symbole (Son héros tente de faire passer un bateau au-dessus d'une colline!!!)...  folie aussi dont le colonel Kurtz est la figure emblématique dans Apocalypse Now.

Ce roman est passionnant.Son écriture est à la fois simple et majestueuse.
Chaque phrase se déploie,s'étend et s'achève telle une vague qui nous submerge et nous laisse pantelants.

Le Prix Médicis 2017 vient de lui être attribué.
Philippe Cauché dans La cause littéraire écrit:"C'est un roman touché par la grâce."

On l'aura compris,l'écrivain est aussi un cinéphile averti qui par le biais d'un roman s'est fait plaisir.Plusieurs scènes culte de ses films favoris sont décrites,analysées,revisitées,ce qui ne peut qu'inciter le lecteur à entreprendre la même démarche,... ce que j'ai fait.

Voici quelques passages que j'ai aimés:

"J’ai dit qu’à l’époque j’étais fou -disons que j’étais possédé : les noms, les livres, les phrases, les films n’arrêtaient pas de vivre à l’intérieur de ma tête, ils se donnaient des rendez-vous pour former entre eux des extases, sans même que je puisse les séparer. J’étais littéralement habité par ce flux de noms, de phrases, de titres de livres et de films dont la circulation s’était progressivement substituée à mon souffle et à mes nerfs. […]
Chaque nom en allumait un autre, ça ne finissait jamais : je passais mes journées à me réciter des listes, des bouts de phrases, des citations, et tout se mettait en rapport et s’ouvrait démesurément, comme une terre sans limites, avec des flammes de bonheur qui s’arrachent au monde éteint.
On peut considérer, bien sûr, que j’étais malade, mais cette vie des noms dont j’étais chargé me rendait étrangement plus léger, comme si, à chaque instant, le daim blanc de Melville m’apparaissait. Voilà : je vivais au milieu d’un cortège de daims blancs, et en un sens, c’était cela ma folie, mais c’était aussi ma gloire, parce que dans ce cortège qui défilait dans ma tête, j’étais accueilli : évoluer parmi les noms me donnait des ailes.p26.


 Depuis mon retour de New York, j'avais la certitude de détenir un secret. Et j'étais assez fou pour croire qu'il circule à travers des films ; assez fou pour imaginer qu'il soit possible d'y accéder. Ce secret, je l'avais cherché à travers les films de Michael Cimino, et voici que la recherche s'élargissait encore, car la vérité est comme le corps immense des déesses : elle est là et pas là - on la voit et on ne la voit pas.
Moi, je la voyais [...] En suivant Melville à travers le monde, en chassant avec lui une baleine qui avait pris la place de Dieu... j'avais découvert qu'une étincelle s'allume au cœur de la destruction, et que cette étincelle suffit pour mettre le feu au monde.p47.


"Certains soirs, le velours glisse entre les voix comme si les étoiles s'allumaient dans nos gorges."

J’aime que mes journées soient complètement vides. Même si je ne fais rien, il faut qu’elles restent à disposition ; il faut que le matin, l’après-midi, le soir restent ouverts. Lorsque j’ai un rendez-vous, le désir d’annuler devient d’heure en heure irrésistible ; car alors la journée entière tend vers ce point qui la comprime, les angles se resserrent ;
il n’est plus possible de penser à autre chose, on n’a plus de solitude, on étouffe.p102."




 


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